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Théâtre

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J'ai vu "You will remember me" au théâtre Centaur !

nelson mederik

Source site Centor theater

Présentée jusqu'au 2 avril 2017 au théâtre Centaur, la pièce "You will remember me" (titre original en français: Tu te souviendras de moi) écrite par François Archambault, mise en scène par Roy Surette vous attend ! 

Ceci devrait vous mettre en appétit : 

Quelle évidence que d'aborder la démence, en occurrence ici l'Alzheimer et tout ce qui ébranle le noyau familial. Le couple qui doit faire le deuil d'une vieillesse paisible, les enfants qui témoignent des pertes toujours plus grandes, les conjoints autour...Réalité que beaucoup vivent et vivront. Sujet large et multidimensionnel, par où tenter de l'aborder puisque beaucoup de choses se sont déjà dites et montrées sur le sujet, pourquoi en faire une pièce de théâtre ? 

 

Humour de situations...mais drôle pour qui !

Je dois d'emblée poser les bases, j'évolue auprès des personnes souffrant de démence depuis les 8 dernières années. Donc ma lunette était peut-être plus critique que celle du public, j'aurais aimé savoir si des gens dans la salle vivaient en ce moment cette réalité. Archambault par ses choix d'écriture, met en lumière le coté drôle des premières situations, des premières pertes, des premières absences...le conjoint qui devient fatigué, irritable, cette complicité gagnée au fil des ans entre eux deux, ce couple désormais passé le 3e âge, qui donne lieu à des répliques cinglantes, des attentes non comblées et la mise en mots des limites de chacun. 

 

Départ

Le couple, en début de pièce et en fin de chemin de vie est réalistement interprété. Nous pouvons aisément identifier notre entourage à ce que l'on voit. Lui, érudit ancien enseignant, elle, supportante mais au bord du précipice. Était-ce une erreur d'avoir poursuivi parfois à gros traits le coté amusant qui peut émerger de cette maladie, pendant plus de la moitié de la pièce ? Je le crois. Le public cependant semblait s'accrocher à ces moments.  Peut-être le sujet étant à ce point délicat pour eux. On reconnait l'écriture parfois snapy d'Archambault, les perles ici et là. À force de répétitions de ce grand René Lévesque, Édouard le personnage principal fini par en prendre les traits. 

Très touchant développement de personnage qu'est Edouard (joué par Jean Marchand), l'homme atteint; fier, empli de ce savoir si cher à ses yeux, la dégringolade n'est que plus terrible pour lui. Nous pouvons le voir s'accrocher désespérémment à ses bribes d'envolées lyriques, passionnées, politiques. Ses opinions ne pâlissent pas d'un ton avec la venue de la maladie, loin de là. Extrêmement touchant de le voir vouloir aller au bout de son discours, au bout de ses mots. Le jeu d'acteur rend très bien par de simples et exacts détails l'avancement de la maladie, errances et absences livrées très finement, l'agitation des mains, les yeux qui déconnectent. Très très juste.  Le texte de ses envolées est jubilatoire. La fougue dans le rendue est jouissive, nous regrèterons aussi qu'il ne puisse plus les rendre tout autant avec l'avancement de la maladie. Très habilement mené et rendu ! 

Le rythme est problématique ou la peur des émotions réelles ?

Après avoir passé les moments loufoques, lorsque les moments déchirants, paniquants, blessants, où chacun s'aperçois que l'être aimé nous quitte malgré sa présence physique, quand nous devons faire le deuil de ces mots que nous n'entendrons pas/plus, lorsque les grands choix doivent se faire, quand l'énergie nous manque, quand l'émotif prend toute la place et que notre jugement n'arrive plus à nous guider...ces moments là arrivent mais pas vraiment dans la pièce. 

Tous ces moments si importants à aborder, à vivre sont trop rapidement montrés, non vécus sur scène. Le rythme de la mise en scène est à remettre en question ou le texte était-il construit de la sorte ? Je n'ai pas lu le texte, non plus la traduction de Bobby Theodore. Cela m'a laissé comme impression que, soit l'auteur a eut trop peur d'y entrer, ou que les acteurs, par la mise en scène, n'ont pas réellement su nous communiquer ces nuances subtiles, nécessaires et tellement humainement tragiques. Les petites déconstructions personnelles, d'humain, d'adulte, d'enfant, de femme...les petites morts que traîne avec elle cette maladie tant pour la personne atteinte que pour le noyau autour...dommage. J'ai senti de l'évitement et c'est ce qui aurait rendu cette pièce grandiose, vraie et essentielle.

 

Scénographie

Le travail scénographique de Eo Sharp était poétique et habité. J'ai beaucoup aimé l'utilisation en hauteur (deux paliers) de la scène qui nous permettait de suivre l'histoire en extérieur avec les projections. Les divisions étaient très ingénieuses et habillement vécues. Les câbles d'acier un peu partout, rappelant l’esthétique d'un loft devenait source de lumière déviée pour rappeler les étoiles en extérieur, ou lumières magiques d'intérieur. 

 

Jusqu'où aller trop loin dans leurs délires

La présence de cette ado, Bérénice, pas mal intensément ado, jouée par Amanda Silveira, offrira de très beaux et touchants moments. Relation porc-épic au départ, elle rentre dans l'épais brouillard mental d'Édouard, lui rappelant sa fille décédée. Puis elle plonge dans cette réalité altérée, pour panser des plaies anciennes, pour offrir encore des moments tendres, pour avoir une réelle connexion avec un humain, profondément beau. J'ai beaucoup beaucoup aimé le non jugement de l'auteur sur ce volet. Est-ce bon ou mauvais comme décision ? Qui sommes-nous pour juger. Cette alliance donna lieu a du bon, l'actrice offra, selon moi, les plus vrais échanges et morceaux émotifs (en plus bien sur de Jean Marchand). 

Prisonnier de ces non-moments présent, je retiens : This sikness is slowly earasing who I am...

 

Je termine avec cette interrogation...

Est-ce que les moments vécus, partagés valent 

moins s'ils ne sont pas remémorés ensuite ? 

Bon spectacle !

Audrey Desrosiers